[ Avertissement de contenu: scarifications, addictions, état de stress post traumatique ]
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Il fut un temps où me scarifier était le seul moyen de me sentir vivant.
Les prises de toxiques m’anestésiaient afin de rendre ma souffrance supportable, mais n’étaient d’aucune aide pour sentir mon corps étranger comme faisant partie de moi.
La douleur psychique se manifestait avec tant de force qu’elle paraissait presque irréelle, mais surtout injustifiée. M’attaquer physiquement est alors la seule solution qui m’est apparue comme logique et viable, en effet, j’avais alors une raison valable de souffrir.
Avec les années ce mécanisme s’est intégré dans ma routine comme un automatisme faisant partie intégrante de mon identité. Son effet « bénéfique » perdait de sa force avec le temps, mais je continuais: il me semblait impossible de me défaire de cette habitude.
Les soignants ne comprenaient apparemment pas ma douleur intérieure et ces marques étaient devenu une sorte de preuve: oui, je vais mal. Ca n’a pas aidé dans le sens où ils m’ont pour la plupart juste demandé d’arrêter ce comportement.
Je n’ai pas souvenir que l’on m’ait appris à communiquer autrement, ou qu’il était possible d’arrêter, ni d’avoir rencontré d’autres patients qui avaient réussi à arrêter lors de mes hospitalisations.
Ce n’est que sept ans après le début des attaques envers moi-même que j’ai rencontré à l’hôpital une personne qui avait réussi à arrêter et parvenait à vivre sans. Elle arrivait à parler de ses émotions et de ce qui lui était bénéfique ou non. Elle avait appris à sentir son corps lié à elle autrement qu’en se faisant mal. Elle avait découvert des techniques lui permettant d’éviter la rechute et ne jugeait pas ce que je faisais.
Etait-il alors possible d’arrêter ce fonctionnement tout en me sentant mieux? Elle était la preuve que oui me permettant d’aspirer à autre chose pour mon avenir que ce mécanisme de survie au jour le jour.
Cette bataille fut longue et ponctuée par des rechutes, il n’est pas rare que l’idée de recommencer me traverse l’esprit. Cet arrêt n’a pas rendu immédiat mon mieux être mais la conscience d’avoir le droit d’aller bien m’a considérablement aidé à trouver du soutien approprié à ma situation.
Les marques sont toujours là même si mon corps n’a pas subi mes attaques depuis plusieurs années. Il m’aurait été utile que l’on me dise plus tôt qu’il était possible d’aller mieux et de cesser de m’en prendre à moi-même. Le tabou autour de ce sujet m’a permis de le comprendre seulement sept ans après avoir commencé.
Quelques années plus tard il a finalement été possible d’entamer un traitement psychotérapeutique afin de diminuer l’impact négatif sur ma vie des traumatismes vécus précédents les scarifications.
Si des personnes lisant ce texte sont concernées par ce sujet, je souhaite qu’il vous aura donné un semblant d’espoir et l’idée qu’il est possible de parler de votre souffrance avant qu’il ne soit trop tard.
J. F.
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