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[ Avertissement de contenu: violences psychiatriques subies, validisme ]
J’ai découvert le concept et l’activité de « pair-aidance » il y a peu de temps, et je me suis dit « wow ! alors ça existe ! ça commence à être reconnu ! c’est un pas vers le mieux en psychiatrie ! » puis je me suis posé quelques questions, après avoir vu passer des schémas représentant le concept de « rétablissement » et les conditions concrètes qu’on nous demande pour devenir « pair-aidant » professionnel.
C’est quoi « être rétabli.e » concrètement ? Est-ce que c’est revenir à son état psychique avant sa première décompensation ? Est-ce que c’est un processus infini où on doit toujours tendre vers un idéal inatteignable ? et puis, concrètement, Est-ce que ce statut institutionnalisé ne crée pas malgré toutes ses bonnes intentions, le bon malade, le rétabli vs le mauvais malade, qui a besoin d’être guidé ? c’est quoi être un exemple de rétablissement ? quels sont les critères de cette exemplarité ? Est-ce que c’est être capable de travailler comme une personne valide ? il doit être bizarre, ce statut hybride dans une structure, où dans l’équipe vous devez être à la fois la caution et la ressource.
Et puis, pour des postes de pair-aidants, il faut le permis de conduire, mais pour une personne psychiatrisée, payer le permis de conduire c’est énorme ! et au-delà du prix, une personne qui ne vit plus dans son corps (je me prends comme exemple parce que c’est ce que je connais), sans aucun repère spatio-temporel, n’est pas capable de conduire. Peu importe qu’elle ait fait des études, qu’elle soit capable de mille autres choses, elle ne pourra pas avoir le poste parce qu’elle ne peut pas faire le truc le plus neurotypique qui soit : conduire une voiture.
On sent que ce statut a été construit de toute pièce par des valides psychiquement, mais en même temps, devrait-on le leur laisser ?
C’est à la fois un espoir et des limitations habituelles : j’aurais aimé qu’un travailleur pair-aidant soit présent pendant mon hospitalisation aux urgences psy et que ma voisine a été punie parce que l’infirmière l’a trouvée dans ma chambre la nuit en train de faire des coloriages. Je me souviens de ces quelques minutes, nous étions trois, et grâce à la bienveillance de mon petit frère qui m’avait apporté des crayons et du papier à dessin, nous avions pu nous retrouver, même dans le silence et en dehors du règlement strict des horaires, pour dessiner un petit moment, on était fières de réussir à faire quelque chose. Mais l’infirmière de nuit n’y voyait que de la provocation et accusait ma voisine d’être un élément perturbateur, une nuisance, un danger pour les autres patients.
Ce n’est qu’un exemple, mais peut-être qu’un pair-aidant aurait pu faire de la « pédagogie » à cette infirmière paranoïaque et contre-productive.
J’ai mille autres exemples, que ce soit au CMP, à l’hôpital, à la clinique, ou en consultations libérales, où, peut-être, un pair-aidant aurait pu, non pas me « guider » (ou pas seulement), mais surtout être un rempart contre la psychiatrie et tous ses agents.
Je sais aussi que finalement, le plus important pour « rester en vie » dans notre système, c’est de pouvoir réclamer ses droits, faire toute cette paperasse qui peut faire une énorme différence. Assurer un revenu minimum. On sait que les médecins s’en contrefoutent de ça, peut-être qu’un pair-aidant le sait d’emblée ?
Bref, pour finir, la question que je me pose si je dois résumer c’est : Est-ce qu’on doit devenir valide pour être pair-aidant ?
K., schizo, 28 ans
Texte initialement posté par K. sous forme d’un thread sur Twitter.
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