(VERSION AUDIO PROCHAINEMENT EN LIGNE)
Bonjour à tous,
Récemment, on m’a demandé d’intervenir pour accompagner d’autres personnes « cas difficile », toujours des personnes avec autisme, dys-communicantes, avec déficiences. Etant moi-même autiste asperger, malgré ma réussite avec Miss Asuka* (qui se porte fort bien depuis), je suis toujours relativement angoissé et anxieux vis-à-vis de travailler avec ce public en tant que pair-aidant. Je le suis pour plusieurs raisons.
Premièrement, bien que je sois autiste, je suis toujours désarçonné face aux miens qui ne m’attirent aucune familiarité. Ils communiquent de manière différente. Tant que nous sommes dans l’incertitude de leur comportement, l’équipe et moi-même sommes dans un malaise paradoxale, en plus d’être triste de ne pas les comprendre. Tant que nous ne possédons pas les clefs de son langage, impossible de s’adapter à lui.
Enfin, je suis quasiment, si ce n’est le seul pair-aidant « spécialisé » autour de ce public. J’ai des relations qui accompagnent et sont des pairs pour des personnes autistes de haut niveau ou « asperger » mais pas pour ce genre de public. Je suis donc seul, ce qui est terrifiant. Je n’ai aucun exemple de pair-aidance (mise à part la mienne) avec ces personnes concernées, pas de guide. Pas à ma connaissance du moins.
Alors après quelques jours de travail, j’ai mis au point une méthodologie générale pour vous aider en cas de travail avec ce public.
Découvrir la personne au quotidien est essentiel
Bon, la condition essentielle face à une personne dys-communicante, avec déficiences, c’est d’objectiver, de tenter au moins, son langage ou sa communication. Comment faire ? Vous devrez l’observer et l’accompagner, sous les conseils d’autres accompagnants, au quotidien pendant plusieurs semaines.
Les accompagnants qui connaissent bien la personne savent ce qu’il faut faire et ne pas faire, avec eux, vous ne prendrez pas trop de risque. Pour l’instant, votre objectif est de cerner le fonctionnement de la personne concernée, ce qu’elle a besoin, ce qu’elle fait, ses atouts, ses défauts, ses comportements… Bref l’idée, c’est de comprendre quand elle s’exprime.
Vous devrez faire cela dans tous les temps, le matin au réveil, la matinée, le midi, l’après-midi, le soir, au coucher… Ce sont des temps clefs. Un mauvais réveil peux parfois conditionner une mauvaise journée, vous verrez alors comment la personne est dans ses mauvais jours comme dans ses bons jours. Vous verrez aussi comment elle profite de ces temps clefs, si c’est important pour elle, si elle est ritualisée… Vos nombreuses observations permettront d’orienter vos actions.
Petit exemple édifiant… Un matin, je vais au boulot, je rejoins le foyer. Je vais m’occuper d’Asuka, on me dit ce qu’il faut faire. J’entre dans la chambre, elle part illico-presto dans la salle de bain. Je m’empare de la serviette tranquillement. Je mets la bonne température, elle s’énerve. Je lui mets de l’eau grâce au pommeau de douche, elle frappe le mur. Je prends le savon, je la savonne (elle ne peut pas le faire elle-même). Elle part remettre le savon exactement à sa place, au centimètre près avant d’accepter agacée la fin de la douche. Cela prend trop de temps, elle crie et pleure d’impatience. Je me dépêche de l’essuyer. Elle est tendue.
Je m’empare, embarrassé de ses vêtements à la hâte, je lui donne. Elle les déplie et examine minutieusement avec ses doigts, chacun de ses vêtements. Elle les enfile, un par un et là vient le moment d’enfiler le pantalon. Elle approche sa mâchoire du pantalon et le déchire sans pitié avec ses dents. J’appelle l’éducatrice référente, elle demande à Asuka de retirer ses vêtements. Elle s’exécute et nous la laissons tranquille pendant une heure. Elle frappe énervée et de mauvaise humeur avant de se calmer. La faire sortir, c’est mettre en danger les autres résidents. Elle finit par se calmer et elle accepte ses vêtements.
J’en retire plusieurs informations. Elle est ritualisée, impatiente quand tout ne se déroule pas bien. Elle ne comprend pas l’embarras ou les autres prétextes qui excusent et influencent ce retard. Elle s’énerve donc. Elle est sensible au toucher, examine les choses de manière précise et si les choses ne sont pas uniformes, elle prend les mesures qui s’imposent… J’ai fais de grosses erreurs qui l’ont frustrés et elle extériorise la chose sous forme de coup de colère, d’incompréhension.
Toutes ces expériences vous serviront à ajuster vos actions et communiquer avec la personne. C’est très intéressant et nécessaire. Ici ce n’est pas tant de vécu qu’il s’agit mais de compréhension dans un premier temps. L’établissement de la relation peut se faire via les sens. Utiliser le sens qui sera le mieux avec les propositions des membres de l’équipe et de vos analyses.
Après avoir les clefs de la personne concernée, vous pourrez alors peut-être utiliser votre savoir expérientiel ou vous reconnaitre en elle. Vous aurez pointer ses points faibles, ses points forts, ses ressources et comment communiquer avec elle.
Ajustez vos actions grâce à vos découvertes
Vous avez reconnu la personne, vous savez au moins, à 50-60% comment communiquer avec elle, il est temps de faire votre boulot et d’accompagner la personne au rétablissement. Sachez que parfois, vous serez face à des personnes qui ne comprendront pas le concept simple de barrière ou différencier une fourchette d’un couteau. Donc les entretiens complexes, la déstigmatisation pour eux, travail sur le diagnostic, c’est potentiellement impossible.
Non, ce qu’il vous faut, c’est de se centrer sur les besoins de la personne. Mieux ces besoins seront pourvus mieux cette personne sera. Aussi si elle peut faire les choses par elle-même, ce sera un gain de temps pour la personne et du bien-être. Le concept de rétablissement n’est pas forcément lié à une conception intellectuelle de son histoire, c’est sur des choses très concrètes. Par exemple, Asuka était frustrée de ne pas pouvoir jeter ses brindilles et sortir. Alors je la laissais faire ce qu’elle souhaitait mais je l’accompagnais pour éviter les mises en dangers. Elle était plus sereine. L’équipe n’était plus stressée par ces automutilations. Maintenant elle peut sortir à son aise sans que l’équipe ne la frustre. Elle est beaucoup plus calme et contente.
Ne faites pas compliqué, faites simple. L’idée du rétablissement prend du temps et tout le monde s’accapare le concept comme il l’entend. On travaille sur des petites choses essentielles, nécessaires, qui apporte du bien-être si ces choses sont bien faites. Dans l’autisme, le rétablissement est de vivre avec de manière sereine ou d’autre objectifs rassurants.
Après si la personne a une bonne compréhension, vous pouvez tenter sans qu’elle ne refuse. Ne vous inquiétez pas, si elle ne veut pas, elle saura vous le dire. Dans l’accompagnement, tentez d’utiliser les ressources de la personne, de sa volonté, plus qu’autre chose. Acceptez que parfois les choses sont trop abstraites et qu’il faut se remettre en question.
Si vous avez bien fait votre immersion, si vous avez bien observer, vous serez mieux armés pour faire face à toutes les situations. Vous pourrez aussi donner votre expérience… Par la pratique ! Vous n’aurez pas les réponses tout de suite, certaines ne viendront jamais, il faut être patient. Bon courage à vous, cela en vaut la peine.
Enjoy and Kiss ❤
Sofian SEBBAGH-ESCALIER
Pair-aidant en formation au DU Pair-Aidance à Lyon
*Les prénoms et noms ont été modifiés
Du même auteur sur En Tant Que Telle:
Guide de communication avec une personne dys-communicante ou ne s’exprimant pas par voie orale (Et autiste !)
L’épilogue d’une mission de pair-aidance
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