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Messieurs, Mesdames,
Il est utile de rappeler que le langage oral n’est pas un luxe partagé par tous. Il existe des personnes, autistes ou non, qui sont incapables de recourir aux mots et phrasé de la langue de Molière, par volonté ou par déficiences. D’ailleurs, votre serviteur, l’auteur de cet article travaille avec l’une de ses personnes. Alors, je viens vous donner un petit guide pour tenter d’appréhender la communication avec ces êtres sensibles.
Car oui, faire des entretiens ou la comprendre est toujours possible. La santé mentale, c’est aussi s’occuper d’eux et de parvenir au rétablissement, dans sa forme plurielle.
Définition de Dys-communication
Bienvenue dans l’étrange et incommodant monde de la dys-communication ! C’est tout simplement le fait de ne pas partager le même langage vis-à-vis de son interlocuteur, d’avoir en soi, son propre langage et ses moyens de communications. Aussi la personne en question à son propre niveau de compréhension, qui jaugera votre discussion avec elle.
Première étape : L’immersion sur le terrain
Premièrement, il faut la comprendre cette personne ! Comprendre son langage, ses codes. Si vous avez un bilan, il vous sera d’une grande aide car à même de vous informer de son niveau de compréhension. La famille et les professionnels peuvent aussi vous informer au besoin. Cela passe par une observation fine et de l’expérimentation sur le terrain, sur ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Cela prend du temps, tatonner et avancer petit à petit.
Cela, sur temps fort comme temps de passivité, vous appréhendrez par ce biais, son existence, un contexte nécessaire pour tout pair-aidant. Il faut vous poser plusieurs questions :
- Comment elle communique son bien-être ? Par quelle biais ? A quelle moment de la journée ? Dans quelle contexte ?
- Comment communique-t-elle son mal être ? Comment se comporte-t-elle dans tel situation ? Quelle sont les conséquences de la dite situation ?
- Comprend-t-elle ce que je veux lui exprimer ?
- Est-ce que mon langage est adapté à elle ? Dois-je utiliser d’autres langages(Corporelle, signe, pictogramme, pictophotographie, GIF, gestuelle Etc…Ne vous limitez pas qu’au domaine des possibles !) ?
- Et la plus importante : Qu’est-ce qui la rend plus épanouie ? De quoi a-t-elle besoin ? Qu’est-ce qui la met en difficulté ?
La pair-aidance repose sur la bienveillance et le rétablissement. Ainsi le rétablissement, avec des personnes incapables de le communiquer, est complexe à définir. Cependant avec ces questions, si vous captez ce que la personne vous donne, alors vous aurez des pistes à explorer. Cela débloque bien des situations problématiques ! 😊
L’exemple de la Kudere Asuka Suzumiya
Un petit exemple s’impose. J’ai mis trois mois pour comprendre ma personne troublée(Synonyme de personne concernée). Voici le topos :
Ma très chère Asuka Suzumiya-Chan, personne autiste anonyme que j’accompagne, grogne au lieu de raler verbalement. Frappe au lieu de vous insulter. Se mord la main et crie au lieu de verbaliser son incompréhension. Vous prend les joues brutalement comme une marionnette en guise d’affection. Vous tapôte la main au lieu de vous demander de l’attention.
Son diagnostic démontre des déficiences intellectuelles fortes, qui limitent sa compréhension orale à quelques mots. Elle comprend le mot « Non » comme une interdiction, « Pose » comme une directive de poser ses couverts en repas et quelques autres termes spécifiques. Elle conceptualise mal le vocabulaire oral et ne parvient pas toujours à y trouver du sens. Lorsqu’elle comprend quelque chose, ce n’est qu’après des milliers de répétitions, appréhendé dans un contexte précis. C’est un long processus de plusieurs mois. Le langage par pictogramme est plus approprié avec Asuka-Chan.
Dit comme ça, on pourrait dire qu’il s’agit d’un langage parfaitement compréhensible. Cependant si je suis parvenu à un tel degré de compréhension, ce n’est que par une longue observation. Je l’ai observé et accompagné durant trois mois pour obtenir ceci.
- Elle communique son bien-être en chantant des contines et rigole avec des onomatopées inaudibles. Elle vous tapôte et vous fait de violentes caresses au visage, met sa main sur son genou, vous fait sans cesse des bisous sur la joue. Cela peut arriver à tout moment de la journée sans trop de changement et de mots mal utilisées.
- Lorsqu’elle n’est pas bien, elle s’énerve, pleure et frappe tout ce qui bouge sans distinction, ni colère envers une personne. Lorsqu’on interfère dans ses plans pour des raisons de sécurité (la sienne, elle se met en danger sans s’en rendre compte), elle crie et râle sans mot. Elle reste sous tension si nous ne trouvons pas une solution pour la calmer.
- Elle comprend seulement quelques mots. Elle comprend mieux lorsqu’on agit avec notre corps, elle conceptualise mieux l’acte manuelle que les justifications. Lorsque je communique par l’acte, en appuyant si besoin, ma volonté par un mot, elle comprend.
- Les pictogrammes sont efficaces, plus que le langage oral. De même que pour le langage par le corps, par l’acte.
- Ce qui la rend heureuse, ce qui la détend, c’est de comprendre ce qui se passe autour d’elle (ce qui n’est pas toujours possible pour elle). Elle sait à quoi s’en tenir, elle obéit (dans le cadre stricte de l’institution…) et est calme. Elle est plus chantonnante lorsqu’elle peux sortir et ranger les cailloux à leur place. Avoir de l’attention l’apaise et la rend plus patiente.
Ici s’avance une piste de rétablissement et de voie vers une santé mentale stable. La première est de lui faire comprendre les choses par les voies qui lui sont compréhensible. Elle comprend, donc appréhende mieux son environnement. C’est ce sur quoi je travaille actuellement.
Cette technique est à même de s’adapter à toutes les personnes troublées, même dans le cas d’un partage de savoir expérientiel…Je n’ai bien sur, pas la science infuse et je vous laisse juger de cette méthode. Voila, voila…
Farewell and kiss 😀
Sofian SEBBAGH-ESCALIER
Pair-aidant en formation au DU Pair-Aidance à Lyon
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