Mon souvenir est assez précis, pour une fois ! Cela fera un an en juillet, au cours d’une sortie avec le groupe théâtre de l’hôpital de jour, pendant la pause pique-nique, j’ai lancé comme ça en vrac : « J’ai envie de devenir pair aidante ! ».
Je crois que si j’avais prononcé une phrase en chinois ça aurait eu le même effet !
Je ne me souviens pas exactement ce qu’on m’a répondu, je ne suis pas certaine qu’il y ait eu des réponses d’ailleurs. Ce que je sais, c’est que ce que cette phrase que je venais d’exprimer à ce groupe, constitué de deux infirmières et de quelques patients n’a pas soulevé de débats mais à susciter un certain malaise. Ce mot PAIR AIDANT n’évoquait rien pour eux, toutefois ils ne semblaient pas me prendre au sérieux. Mais est-ce qu’on prend au sérieux des patients de l’hôpital psychiatrique ? Ne sont t’il pas un peu dérangés ? N’y a-t-il pas une certaine folie en eux quand ils en arrivent là ? Il n’y a pas de fumée sans feu !
STIGMATISATION QUAND TU NOUS TIENS !
Mon projet, lui, était déjà bien encré dans ma tête, ce n’était pas une lubie passagère, comme l’on peut être cru certaines de ces personnes à qui je venais d’exprimer mon envie et pour lesquels j’étais un peu une extra terrestre. Quoi ? Des patients qui apportent leur aide à d’autres patients qui travaillent en équipe avec des soignants, et dont le savoir d’expérience est reconnu ?
(Propos de patients) « Elle délire un peu là ! Et pour qui se prend-elle ? Elle veut prendre la place des infirmières ? Quelle prétention ! Elle est une patiente comme nous, ce n’est pas parce qu’avant elle était monitrice éducatrice, qu’elle peut prétendre à un autre statut que nous, et puis on lui a rien demandé, qu’elle reste à sa place, de quoi nous parle t’elle là ? »
(Propos d’infirmiers) « Vous vous êtes permis beaucoup de choses aujourd’hui ! » M’a rétorqué une infirmière alors que, sans m’en rendre compte, je m’étais « positionnée en soignante ». Un sentiment d’illégitimité se trouvait derrière ces propos. Il fallait que je renonce, je dérangeais, enfin quoi « un patient est un patient !!! On ne va quand même pas mélanger les torchons et les serviettes ! Chacun sa place ! »
Loin de me décourager ces réactions ! Bien au contraire !
La première fois que j’ai entendu parler de ce terme « pair aidant » c’était en 2015 par un cadre de santé d’une clinique psychiatrique où j’étais hospitalisée. Il avait constaté que je m’intéressais beaucoup aux autres patients, à la maladie mentale, aux possibilités de soins et de prises en charges et il m’avait suggéré que je pourrai peut-être être active un jour. Cette clinique m’avait permis de découvrir les TCC (Thérapies Cognitives et Comportementales), l’équipe soignante avait vraiment à cœur de proposer des solutions aux patients qu’ils accompagnaient, c’est là qu’à commencé pour moi un parcours positif avec la maladie. Mais je n’étais pas prête encore pour me lancer dans l’accompagnement des autres.
Depuis juillet 2017, je me suis renseignée, je voulais savoir ce qui était derrière ce terme de « PAIR AIDANT » j’ai trouvé des informations sur internet (des sites, des pages facebook, des vidéos sur You tube), des ouvrages en librairie, je suis allée rencontrer des associations, des gens concernés, écouter des conférences, j’ai fait de nombreuses démarches pour pouvoir étayer et concrétiser mon projet. Il n’existait rien à ce sujet dans ma commune, qu’à cela ne tienne, j’ai pris la route ! Moi qui avais bien du mal à sortir de ma ville il n’y a que quelques mois en arrière !
Motivation quand tu nous tiens !
Et surprise ! Pendant que je faisais toutes ces démarches sur la pair aidance j’ai découvert quelque chose dont je n’avais absolument jamais entendu parler pendant mes 27 ans de va et vient dans le monde de la psychiatrie (ma première hospitalisation remonte en 1990, j’avais 25 ans, j’en ai 53) :
Un mot magique pour moi, cela ne fait que quelques mois que j’ai découvert ce mot et toutes les surprises, espoirs, possibilités qui vont avec !
Oui le rétablissement est possible, oui on peut vivre bien avec une maladie mentale diagnostiquée ou pas, avec un traitement ou pas. Oui il y a des possibles, un avenir, un ESPOIR, non la vie ne se résume pas aux sombres aspects du diagnostic, de la souffrance et de la stigmatisation !
Là encore, j’ai découvert un riche univers de témoignages vécus, de conférences, d’ouvrages sur le net et ailleurs. J’ai rencontré des personnes, intéressantes pour la plupart. Certaines sont en cours de rétablissement, d’autres sont des soignants qui y croit fermement et qui le promulgue, et aussi quelques pairs aidants qui eux cumulent les deux notions dans leur vie : ils cheminent dans leur rétablissement en pratiquant la pair aidance.
Voilà, c’est là que se défini maintenant mon projet :
Œuvrer à mon propre parcours de rétablissement, tout en me formant à la pair aidance, dans l’espoir d’être un jour dans une action concrète.
Depuis quelques semaines, j’ai la chance (je dis bien la chance car pour moi c’est comme ça que je vis cet évènement) d’avoir intégré la formation de patient ressource avec le CRMC et l’université des patients Auvergne Rhône Alpes. Cette formation m’apporte beaucoup et me confirme que je suis bien dans ce qui me convient.
Retrouver une place dans cette société en promulguant le rétablissement aussi bien auprès de mes pairs que des soignants, être un témoin de ce parcours de vie atypique, réunir enfin mes deux sources de savoirs et expériences : celui de la maladie et celui de mon activité professionnelle passée (j’étais en poste monitrice-éducatrice auprès d’adultes en situation de handicap psychique durant les 15 dernières années de ma vie professionnelle).
Avoir une action concrète, qui pourra peut-être contribuer aux changements des mentalités, à la déstigmatisation de la maladie mentale et des personnes en situation de souffrance psychique. Travailler à cela dans l’échange transversal des savoirs et des pratiques avec les professionnelles, les associations, les usagers, les adhérents d’associations (patients, familles, proches) avoir un regard d’acceptation, de légitimité de reconnaissance de chacun.
Et permettre ainsi à des personnes qui ont traversé le même type de souffrance que moi de vivre mieux , de vivre bien , et peut-être même éviter certaine de ces souffrances .
A ce jour il y a deux questions qui sont au centre de mes préoccupations :
Première question :
Y a-t-il une place pour les pairs aidants bénévoles ? Et si oui quelle place ? Comment permettre aux acteurs du bénévolat d’exister sans faire d’ombre au professionnel rémunérés de la pair aidance et dans un respect mutuel ?
Pour ma part je ne sais pas vers où va m’amener l’avenir, ce qui compte c’est l’action concrète. Mais il est clair que par respect des personnes qui se battent pour que leur statut de pair aidant professionnel soit reconnu correctement je me dois de me poser cette question. De même que par respect des nombreuses personnes qui œuvrent déjà bénévolement pour le rétablissement, l’accompagnement, l’entraide mutuelle des personnes en situations de souffrance psychique.
Ma deuxième question est :
A quel moment la notion de rétablissement peut basculer vers un déni de la maladie, existe-t-il une sorte « d’auto proclamation du rétablissement » qui pourrait avoir l’effet pervers de faire basculer les personnes vers le refus des soins ?
Je vous propose d’ouvrir le débat, il y a beaucoup à dire, ce qui compte c’est le respect et la reconnaissance mutuelle.
Merci à chacun d’avoir consacré du temps en lisant ce texte. Merci à Lee Antoine de m’avoir proposé de le rédiger.
Rétablissement vôtre !
C.J. le 27/05/2018
Pour contribuer c’est ici
Qu’est ce que le projet En tant que telle ?
Bonjour,
à la Deuxième question, il est important de souligner que l’idée générale est que le Rétablissement n’est pas linéaire et que CE N’EST PAS synonyme de rémission définitive.Ce devrait être perçu plutôt comme une façon de vivre son trouble psychique avec le moins de handicap possible dans la vie au quotidien
J’aimeJ’aime
Ping : «le pair, c’est quelqu’un qui a vécu la même chose que vous avant» vidéo #1 [Sophie Chrizen] – En tant que telle
Ping : Pair aidance et TCA [Sabrina PALUMBO] – En tant que telle
Très bien 😀
Pour ta 2eme question, comment une notion de rétablissement ( en l’abordant en terme de notion, tu me parais sceptique sur sa possibilité) pourrait-elle mener à un déni de la maladie ?
Si rétablissement, déni de quoi ? C’est quoi, la maladie ?
On arrête son traitement justement quand on est en déni de la maladie.
J’aimeJ’aime
Ping : Préparer une valise pour une hospitalisation [Lee ANTOINE] – En tant que telle