Etre considéré comme un modèle de rétablissement, les attentes des autres… [Cathie MAILLOT]

Etre censé représenter un « modèle » de rétablissement, cela peut être lourd à porter.

Déjà, en temps ordinaire, quand une personne lambda a des attentes fortes sur elle dans un contexte professionnel, attentes liées à ses compétences professionnelles et à sa fonction, ce qu’on conçoit d’ailleurs comme légitime, ça peut être lourd. Et donc facteur de stress potentiel.

Mais quand ces attentes se portent sur un savoir « expérientiel », et donc sur ce qu’onest fondamentalement, je pense que cela peut être encore plus lourd. Comment être à la hauteur dès lors qu’on passe par des phases où on va moins bien ? Comment ne pas se dire qu’on va décevoir, voire pire encore faire perdre espoir à certains usagers, dès lors qu’on vit une rechute ?…

Dans un contexte professionnel, si on déçoit par ses compétences, ok, ça peut être difficile à vivre, mais on peut aussi se dire que ces compétences, on va les travailler pour les améliorer. Idem si la déception est en rapport avec des éléments de personnalité, un problème d’intégration au sein d’une équipe par exemple, on sait qu’on peut là aussi s’améliorer, apprendre à mieux gérer le relationnel par exemple, être plus diplomate, moins frontal, faire progresser son écoute, sa patience, etc.

Mais – dès lors que la déception vient du fait que les symptômes de la maladie réapparaissent, voire s’aggravent – comment réagir ? Que peut-on y faire ?

On sait bien que la maladie mentale n’est pas affaire de volonté, même si celle-ci peut jouer sur le processus de rétablissement ; on sait bien qu’il est illusoire de penser pouvoir contrôler les méandres du cerveau ; on sait tout ça, mais pour autant, que se passerait-il si un pair-aidant se mettait à aller moins bien, voire mal ? Comment réagiraient ses collègues de l’équipe ? Que penseraient également les usagers accompagnés au quotidien s’ils constataient son absence ?…

De plus, pour peu que le pair-aidant soit concerné par le syndrome de l’imposteur, avec ce que cela implique : « ça va ne pas durer », « on va s’apercevoir que je suis nul », « je travaille mal », « je fais trop d’erreurs »… – il pourra se sentir dans une position encore plus inconfortable s’il rechute, que cela soit vis-à-vis de ses collègues professionnels qui, eux, assurent – que vis-à-vis des usagers auprès de qui il est censé apporter de l’espoir.

Même si on sait qu’il est illusoire de penser qu’on a vaincu définitivement la maladie, l’ambivalence est souvent présente. Entre l’espoir qu’on porte en tant qu’usager en santé mentale, et encore plus quand on est pair-aidant peut-être, à être considéré comme « sorti d’affaire » (« stabilisé »), et donc en soi un « modèle » de rétablissement possible – et le fait qu’on apprécie ne plus être considéré via l’étiquette de la maladie mentale. Entre un certain besoin de reconnaissance, d’autant plus fort parfois qu’on revient de loin et/ou qu’on a souvent vécu des sentiments d’exclusions – et l’envie d’être invisible, oublié par les autres, gravite toute une série de sentiments qui ne sont pas toujours clairs à identifier, voire à accepter. Et qui peut faire aussi que le positionnement qu’on a, tant au sein d’une équipe que vis-à-vis d’autres usagers, n’est pas clair non plus.

Je suis persuadée en tout cas, à titre perso, que des attentes qui portent sur la personnalité et le vécu peuvent être plus lourdes à porter que des attentes qui ne porteraient que sur une expérience professionnelle et des compétences.

D’autant qu’on sait que, dancomptés certains services (notamment hospitaliers), les pairs aidants sont parfois attendus au tournant. Et dès lors que certains (collègues, usagers) identifient une certaine fragilité, leur savoir « expérientiel » risque d’être remis en cause, voire, pire encore, le pair-aidant peut être renvoyé à son statut de patient, trop fragile pour travailler. Comme une étiquette de personne malade dont on ne pourra – jamais – se débarrasser et qui nous collera toujours à la peau. Ce qui peut être d’une grande violence.

Peut-être qu’il ne serait pas souhaitable que des attentes trop lourdes soient placées auprès des pair-aidants. Au risque que ceux-ci, plus ou moins consciemment, se mettent en échec.

Peut-être aussi que ces sentiments ambivalents mériteraient d’être exprimés et travaillés au sein de réunions d’analyse de pratiques, surtout lorsque le pair-aidant agit au sein d’un établissement et avec des professionnels.

Cathie MAILLOT

Article publié initialement le 12/04/2016 ici

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